REDESSINE-MOI UN ROBOT

Rien n’indique que Claude Lelouch et James Cameron soient intimement liés, mais ils doivent avoir le même conseiller en communication. Il y a quelques mois en effet, le premier « vendait » « Les Plus Belles Années d’une vie », troisième volet d’« Un homme et une femme », en expliquant à qui voulait l’entendre qu’il fallait voir ce film en faisant totalement abstraction du second volet, « Un homme et une femme – Vingt ans déjà », qu’il avait tourné en 1986. Simple erreur de jeunesse, assurait-il… Aujourd’hui, James Cameron ne cesse de marteler qu’il faut voir le nouvel épisode de « Terminator » comme la suite directe des deux premiers et oublier les différents épisodes – avec ou sans Schwarzie – qui ont pu s’intercaler depuis.


Outre que cette MàJ digne de Big Brother ne doit pas trop faire plaisir aux réalisateurs responsables des épisodes en question, ce que Cameron se garde bien de dire, c’est que ce « Terminator : Dark Fate » n’est pas tant la suite que le remake des deux premiers « Terminator ». L’histoire ? On la connaît par cœur : un méchant venu du futur débarque aujourd’hui pour tuer dans l’œuf le Messie qui va dans le futur mener la lutte contre les méchants, mais ce méchant du futur est traqué par un gentil ou une gentille que les gentils du futur ont envoyé(e) pour l’empêcher d’éliminer leur Messie. L’honnêteté oblige à dire qu’il est probablement très difficile d’échapper à ce type de spirale dès lors qu’on prétend construire une intrigue sur un paradoxe temporel, mais le fait est là : tout cela sent d’emblée le réchauffé.
Les assaisonnements proposés pour relever le goût de ce plat très plat ne sont a priori guère convaincants. Le premier, c’est l’amplification. Multiplication des personnages, suivant le principe appliqué avec une assommante régularité dans la série des « X-Men » et dans bien d’autres : on a donc ici plusieurs Terminators, dont un qui, assez gratuitement, périodiquement se dédouble. Multiplication des effets spéciaux, mais on cherchera en vain ici une séquence aussi inventive que celle dans laquelle le linoleum se métamorphosait en Robert Patrick dans « Terminator II » ; on pourra simplement contempler d’un œil morne des carambolages sur des autoroutes dont l’accumulation, même si elle est le fait d’un méchant et même si it’s only a movie, semble traduire un souverain mépris de la vie humaine de la part des scénaristes.


Enfin, parce qu’il faut bien céder, n’est-ce pas ? aux impératifs de l’actualité et de la mode, une variation vertigineuse sur le personnage du Messie. Si la question de savoir si James Bond peut être noir ou/et de sexe féminin reste toujours en suspens, nous savons avec ce nouveau « Terminator » que, si John Connor n’a pas pu mener sa tâche jusqu’au bout, il y aura une Daniela Ramos, autrement dit une femme, et qui plus est hispanique – on parle de plus en plus espagnol dans les blockbusters américains, dans le dernier « Rambo » par exemple – pour poursuivre sa mission et sauver de l’extinction nos chers descendants.


Mais le film est en fait plus subtil qu’il n’en a l’air et il confirme que Cameron – qui ne l’a pas mis en scène, mais qui a coécrit le scénario – est un vieux fourbe, ou, plus simplement, un « auteur ». La véritable nouveauté intervient paradoxalement quand (ré)apparaît le personnage de Schwarzenegger : on aurait pu imaginer que les mêmes magiciens qui ont travaillé sur « Gemini Man » ou sur le nouveau Scorsese offriraient à Schwarzie une cure de jouvence lui permettant de conserver l’allure qu’il avait dans les deux premiers « Terminator ». Le Terminator de Schwarzie a ici les cheveux blancs et les rides de Schwarzie lui-même ; autrement dit, tout robot qu’il est, il a vieilli exactement de la même manière que Sarah Connor (saluons au passage le courage de Linda Hamilton, qui affiche ici, délibérément, un look beaucoup moins sexy que sexa). Justifié par des dialogues un peu pesants, ce vieillissement a déjà suscité quelques ricanants commentaires. Il n’en constitue pas moins le cœur du message du film, Message humaniste.


Cameron nous dit en effet, à travers le personnage de Schwarzenegger et à travers un autre, parfaitement symétrique, que nous avons tort de prêter attention à tous les oiseaux de malheur qui nous font redouter, dans un avenir proche, sinon immédiat, un monde dans lequel l’humanité sera totalement soumise aux machines. Car, si les machines prennent le pouvoir – ce qui, au demeurant, n’est pas à exclure –, elles ne pourront le faire qu’en s’humanisant. Et, comme dirait le poète latin Horace s’il était encore parmi nous, les hommes vaincus auront conquis leurs farouches vainqueurs.
Nous croyons apercevoir au fond de la salle des moues dubitatives. Revoyez donc « Titanic ». Revoyez son ouverture, autrement dit la reconstitution scientifique du naufrage sur l’écran d’un ordinateur, revoyez surtout la manière dont cette reconstitution est écartée d’un revers de main par l’héroïne qui, elle, va nous raconter la véritable histoire, celle des passagers. Bien évidemment, assez ironiquement, les deux heures trente qui suivent sont remplies d’effets spéciaux, bien plus élaborés que ceux de la reconstitution initialement proposée. Mais ce principe de réécriture, de remake toujours recommencé (on pourrait aussi gloser ici sur le sens même du mot Avatar), qui n’est au fond que celui de l’histoire de l’humanité, fait de Cameron un fils spirituel et sisyphéen de Beckett : « Try again. Fail better. »

FAL

(Frédéric Albert Levy)

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