
Par FAL : Au terme d’une attente insupportable, probablement responsable de maintes dépressions nerveuses et crises cardiaques, nous avons appris il y a quelques semaines le titre du prochain « Bond » : « No Time To Die ». Le second chapitre est heureusement arrivé plus rapidement : depuis quelques jours une vidéo YouTube fait défiler les traductions (ou adaptations) de ce titre dans une dizaine de langues.
Mais manque, hélas, le titre français. Comment ? allez-vous dire. Et « Mourir peut attendre », alors ? Nous pouvons même déjà voir sur Internet, sinon l’affiche définitive, du moins l’affiche teaser, avec ce titre imprimé, non pas noir sur blanc, mais blanc sur Craig. En lettres énormes.
L’ennui, c’est que « Mourir peut attendre », ce n’est pas du français, mais du pataouète ou du volapuk.
Le titre original, il est vrai, n’est pas aisé à traduire, puisque la formule « No Time To Die » peut avoir deux sens sensiblement différents. Le premier, ce serait quelque chose du genre : « je suis tellement occupé que je n’ai pas le temps de mourir ». L’autre, clin d’œil ironique à l’épisode Danny Boyle pendant lequel, nous dit-on, il avait été question de faire mourir Bond : « l’heure de mourir n’a pas encore sonné ». « Mourir peut attendre » peut apparaître comme un compromis assez judicieux entre ces deux interprétations, mais « Mourir peut attendre » ne veut pas dire grand-chose en français, puisqu’un infinitif – ici, « mourir » – ne saurait être sujet d’un verbe impliquant une conscience.
Un infinitif peut être sujet d’un verbe « être » quand on donne une définition – voir, par exemple, « Tuer n’est pas jouer » – ou d’un verbe marquant une conséquence objective – « Fumer tue ». Mais un infinitif, autrement dit la forme la plus abstraite d’un verbe, ne saurait avoir des sentiments ou, répétons-le, une conscience (fumer tue, mais fumer ne veut pas tuer). Si ces éléments entrent en jeu, il faut absolument recourir à un nom : si vous me demandez de venir dîner alors que je suis plongé dans une tâche, je vous répondrai, non pas : « Dîner attendra », mais « Le dîner attendra », parce que, d’une certaine manière, le dîner est ici personnifié. Dans le cas qui nous occupe, la formule correcte eût donc été : « La mort peut attendre ». Évidemment, ce qui est fait est fait et on nous dira que, étant donné la déconfiture générale de la langue française à l’heure actuelle, parler correctement français peut attendre, y compris dans le titre d’un « Bond ». Nous répondrons que, puisqu’il est fréquent que, dans cette noble série, des « dialogue coaches » viennent épauler les comédiens, les communicants qui ont planché sur le titre français auraient pu consulter un linguiste.
Car, comme bien souvent, la faute de français cache ici quelque chose de plus grave – une confusion. Ou, plus exactement, une démesure qui, paradoxalement, va à l’encontre du statut héroïque, voire mythologique (cf. le prégénérique de « SPECTRE ») de Bond. Un héros, par définition, est doté de pouvoirs supérieurs, mais qui ne sauraient être suprêmes et vaincre certaines lois naturelles. Le demi-dieu reste aussi, par définition, un demi-homme. Bond peut affronter la Mort quand elle a les traits d’un adversaire ; il ne peut affronter mourir.
FAL… Docteur ès jamesbonderies de l’équipe de Starfix
(Frédéric Albert Levy)
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