Par FAL : Olga Kurylenko, la Bond Girl de Quantum of Solace, démontre dans The Courier qu’elle n’a pas besoin d’avoir Daniel Craig à ses côtés pour éliminer des hordes de méchants. The Courier n’est peut-être qu’une série B, qu’un « DTV », mais c’est un produit sans bavures, estampillé, qui plus est, du label #MeToo.
Plus de vingt-cinq « Bond » depuis Dr. No… Cela représente un contingent de James Bond Girls qu’on a parfois du mal à distinguer, mais Olga Kurylenko fait partie de celles qui se détachent nettement du lot. Au moins pour deux raisons. Sa participation à un « Bond », en l’occurrence Quantum of Solace, il y a douze ans, n’a pas, contrairement à ce qui s’est passé pour bien d’autres girls, sonné le glas de sa carrière : elle a tourné une bonne trentaine de films depuis, et dans des genres très différents (parmi les plus récents, on peut citer Les Traducteurs, avec Lambert Wilson). Mais surtout elle est et reste à ce jour la seule Bond Girl à ne pas avoir couché avec Bond, particularité que l’affiche du film suggérait en la montrant marchant à côté de Bond au milieu d’un désert, mais tous deux observant pieusement, et bien avant que l’Agent C-19 ne les force à le faire, une distanciation sociale. C’est que, voyez-vous, ils étaient tellement semblables – chacun entendant exercer une vengeance personnelle – que leur complicité dans cette aventure ne pouvait être que fraternelle (ou, si l’on préfère, sororale). La jeune femme incarnée par Olga Kurylenko était, certes, défendue par Bond, mais elle était aussi parfaitement capable de se défendre par elle-même. Peu de comédiennes savent traduire de façon convaincante cette oscillation entre rôle passif et rôle actif dans un même personnage. Miss Kurylenko sait. Elle sait faire passer sur son visage, selon les moments, innocence naïve ou rage impitoyable.
Et c’est probablement ce qui lui a valu d’être choisie pour interpréter l’héroïne de The Courier, qui, dans l’édition Blu-ray qui sort ces jours-ci chez Metropolitan Filmexport, garde en France son titre anglais original et unisexe (le féminin coursière est encore trop récent en français pour être inclus dans un titre, voire dans des sous-titres, et jusqu’au bout on dira le coursier, même si le candidat est une candidate…). Car l’héroïne de The Courier est une héroïne malgré elle. Simplement chargée au départ de livrer dans un local situé au fond d’un parking souterrain un paquet du contenu duquel elle ignore tout, elle découvre à la dernière minute que ledit paquet va servir à libérer un gaz mortel destiné à éliminer le seul témoin – caché dans ces profondeurs par mesure de sécurité – dont la justice dispose pour faire tomber une version moderne d’Al Capone. Mais, petit détail qui a son importance et que le méchant et ses sbires ignorent, cette coursière anonyme a fait partie des forces d’intervention spéciales de l’armée britannique et, si elle a démissionné à la suite d’un drame personnel, ses compétences intellectuelles et physiques n’en restent pas moins intactes. Elle sait, entre autres, même à l’intérieur de l’espace réduit d’un parking, réaliser de vertigineuses figures avec sa moto.
Commence alors une espèce de pièce classique en un acte, appliquant, à quelques détails près, la fameuse règle des trois unités : unité d’action, puisqu’il s’agit de protéger jusqu’au bout le témoin craintif et godiche contre les méchants de plus en plus méchants qui déboulent par vagues successives ; unité de temps, puisque nous suivons les événements en live ; et unité de lieu, puisque tout va se jouer à l’intérieur du parking souterrain. Bref, The Courier est une version revue et féministement corrigée du finale du dernier Rambo. À ceci près que Rambo avait préparé le (sou)terrain, alors qu’ici l’héroïne doit improviser et s’affirmer à chaque instant comme une disciple de Géo Trouvetou : vous n’imaginez pas, par exemple, ce qu’on peut faire avec un essuie-glace arraché au pare-brise d’une voiture lorsqu’il s’agit de modérer les ardeurs d’un méchant… Et lorsqu’on est poursuivi par un drone muni d’un bouquet de fusils crachant le feu tous azimuts, il faut bien se contenter des moyens du bord pour le réduire en miettes. Bref, on retrouve là une technique de détournement des objets qui rappelle les meilleurs moments de certains « Bond » (souvenez-vous par exemple de cette scène où Roger Moore réglait son compte à un serpent grâce à un spray de toilette transformé en lance-flammes).
Tout cela serait un peu mécanique (va-t-on nier que la construction du scénario est celle d’un videogame ?) si notre héroïne n’était la plupart du temps flanquée du témoin qu’elle doit protéger et si, dans la meilleure tradition des buddy movies, nous ne constations une évolution – ponctuée de one-liners assez drôles – chez l’un et chez l’autre. Le témoin craintif prend peu à peu de l’assurance et finit par être aussi redoutable que son ange-gardien féminin. Et l’ange-gardien(ne), qui au départ ne pouvait qu’être affligé(e) par la lenteur pathologique des réactions de ce mollasson, finit par éprouver pour lui une réelle tendresse en le voyant se transformer peu à peu en frère d’armes. Quant à l’Al Capone contemporain, interprété par Gary Oldman, on a déjà compris que, malgré ses sourires satisfaits, il n’échappera pas à la prison. Oldman était évidemment plus subtil quand il interprétait Churchill dans Les Heures sombres, mais il a estimé à juste titre que ce Courier s’inscrivait dans la rubrique entertainment. En cette période de confinement, il n’est pas mauvais de rappeler qu’un super-héros ou qu’une super-héroïne n’a pas besoin de faire le tour du monde pour nous distraire.
Frédéric Albert Levy
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