Quelle joie de vivre

Par FAL : Nous ne verrons jamais le film qu’Alain Delon aurait dû tourner il y a deux ans sous la direction de Patrice Leconte – « Je crois, a expliqué le réalisateur quand le comédien s’est rétracté sans raison, que Delon a dû être un de ces enfants qui cassent leurs jouets au pied du sapin de Noël » –, mais, en cet été cinématographique de vaches maigres, il n’est pas interdit de se consoler, voire de gagner au change en retrouvant le jeune Delon grâce à une reprise.

Quelle joie de vivre est un film réalisé en 1960, juste après Plein Soleil, par René Clément. Celui-ci, comprenant qu’il ne trouverait aucun producteur pour l’aider à porter à l’écran, comme il rêvait depuis longtemps de le faire, le conte de Voltaire Candide, décida de réaliser son propre Candide, mais dans un contexte très italien – on croise dans Che gioia vivere Gino Cervi (le Peppone des Don Camillo)et Ugo Tognazzi, et si Delon, qui interprète le héros fort peu héros de l’histoire, est doublé dans la version « originale », il est clair qu’il fit l’effort de jouer l’essentiel de son rôle en italien.

1921. Ulisse et son ami Turiddu, qui n’ont pas de qualification particulière, aimeraient bien rester dans l’armée à l’issue de leur service militaire, puisque celle-ci leur offrirait le gîte et le couvert, mais l’armée ne veut plus d’eux. Ulysse, en trafiquant quelque peu son curriculum vitae, se fait engager dans une imprimerie tenue par un groupe d’anarchistes, cependant que son ami s’en va, lui, flirter avec les fascistes, qui commencent à s’organiser pour prendre le pouvoir l’année suivante. Ni l’un ni l’autre n’ont à vrai dire de conviction bien ancrée, mais il arrive à Ulisse, à la suite d’un concours de circonstances et à cause des beaux yeux de la fille de l’imprimeur (interprétée par Barbara Lass), un peu ce qui arrive à Vittorio De Sica dans le film de Rossellini Le Général Della Rovere : l’imposteur finit par être contraint de jouer vraiment le rôle qu’il entendait simplement faire semblant de jouer. Plus précisément, Ulisse comptait laisser les anarchistes et les fascistes régler leurs affaires entre eux, mais il n’avait pas prévu que ceux-ci allaient jouer les pompiers pyromanes, autrement dit allaient laisser ceux-là semer le désordre pour ensuite s’attribuer le mérite de rétablir l’ordre. Quand le désordre signifie attentats à la bombe risquant d’entraîner la mort d’innocents, Ulisse ne peut pas ne pas intervenir.

Le film est un peu long et se perd parfois dans des intrigues secondaires, mais cette longueur était nécessaire pour montrer comment l’imposteur est petit à petit pris à son propre piège et pour introduire, doucement mais implacablement, dans la meilleure tradition de la comédie italienne, un changement de ton. Très drôle au départ, la satire se fait de plus en plus grinçante et l’on ne sait pas si l’image finale doit être vue comme un simple clin d’œil destiné à nous faire sourire ou comme l’annonce de lendemains tragiques. En tout cas, la vision de la première partie de Quelle joie de vivre fait naître en nous un regret, celui d’avoir vu Delon se complaire dans des rôles de beau ténébreux. Il y avait en lui, indubitablement, une vis comica qu’à de très rares exceptions près (Doucement les basses) il n’a jamais exploitée. Dommage : il a été Delon, ce qui n’est pas si mal, mais il aurait sans doute pu être aussi notre Cary Grant.

Frédéric Albert Levy

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