McQueen and Country

Par FAL : Ceux pour qui le nom de Steve McQueen évoque automatiquement Bullitt, La Grande Évasion, Les Sept Mercenaires ou encore la série Au nom de la loi seront, sinon déçus, pour le moins surpris en découvrant Le Sillage de la violence (récemment réédité en Blu-ray chez Rimini). C’est que, si ce film est un film avec Steve McQueen, c’est aussi et d’abord un film de Robert Mulligan. Autrement dit, la violence annoncée dans le titre français n’est pas tant à trouver dans un échange de coups de poing qui doit durer en tout quelques secondes que dans la fatalité – suggérée par le titre original, Baby the Rain Must Fall – qui, invisible mais étouffante, pèse d’un bout à l’autre sur les personnages et les événements, dans le cadre a priori paisible d’une petite ville de l’Amérique profonde. Même ton, même atmosphère, donc, que dans des films comme L’Autre, Escalier interdit ou Un été 42, ou encore Du silence et des ombres. Chaque plan, ou presque, semble durer ici quelques secondes de trop, comme pour signifier qu’il n’y a aucun moyen de s’échapper de la prison que constitue l’écran, les limites de ce rectangle ne garantissant pas pour autant une cohésion intérieure : dès le générique (à la Saul Bass), une multitude de lignes viennent déchirer l’écran pour interdire tout rapport direct entre les personnages.

Fatalité, donc : nous n’aurons guère de détails sur ce qui a valu au personnage d’Henry Thomas interprété par McQueen de se retrouver en prison, même si nous sentons vite le poids écrasant de son passé dans ce qui lui arrive aujourd’hui. Nous savons simplement qu’il a été libéré « sur parole » il y a peu de temps, qu’il est en train de se racheter une conduite en étant le factotum d’un couple de senior citizens, et qu’il espère que ses talents de chanteur – qu’il affirme chaque soir en compagnie de quelques copains musiciens dans le diner local – lui permettront de devenir un nouvel Elvis Presley et de nourrir sa femme (interprétée par la toujours très sage Lee Remick) et sa fille venues le rejoindre dès qu’elles ont eu vent de sa libération.

Mais Miss Kate ne l’entend pas de cette oreille. Oui, Miss Kate – la vieille fille qui l’a recueilli après la mort de ses parents mais qui, adepte d’une pédagogie fondée sur des coups de ceinture, l’a toujours humilié et n’a aucunement l’intention de relâcher sa tyrannique emprise : elle lui ordonne de renoncer à ses ambitions artistiques et exige qu’il retourne à l’école pour pouvoir apprendre et exercer « un vrai métier ». Pas question pour Henry Thomas de ruer dans les brancards : un mot d’elle et le juge le renverra derrière les barreaux.

McQueen a déjà plusieurs grands succès derrière lui quand, en 1965, il choisit de jouer ce rôle qui, à maints égards, peut apparaître comme un contre-emploi. Mais il suffit de lire quelques lignes de sa biographie pour comprendre à quel point il pouvait se reconnaître dans cet Henry Thomas. Bornons-nous ici à rappeler que Terrence Stephen McQueen avait six mois quand son père quitta le foyer familial, que sa mère était une prostituée alcoolique et que son beau-père le frappait avec un bel entrain (la suite est disponible sur Wikipedia).

Le génie de Mulligan est de ne nous faire presque jamais voir cette maléfique Miss Kate. Nous ne monterons qu’à la fin cet escalier qui conduit vers « la chambre du haut ». D’une certaine manière, Le Sillage de la violence peut être vu comme un remake de Psychose, plus effrayant peut-être, puisqu’il ne se fonde pas du tout sur un cas de schizophrénie. Et qu’il nous fait même assister « en direct » au meurtre de la mère. Mais ce n’est pas du tout ce que vous pouvez imaginer.

Frédéric Albert Lévy

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