La Résurrection du Christ : L’Ebranlement

Par Claude Monnier : Que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi ces quelques jours qui ont suivi la crucifixion de Jésus sont-ils les plus décisifs de l’histoire de l’humanité, que l’on soit croyant ou non ? C’est à ces questions ambitieuses qu’a voulu répondre Kevin Reynolds dans Risen/La Résurrection du Christ, en dépit de son faible budget, ou plutôt, nous allons le voir, grâce à son faible budget. Netflix nous permet en ce moment de (re)découvrir ce péplum très intéressant, passé un peu inaperçu lors de sa sortie en 2016. Pour ma part, je dois l’avouer, j’avais peur à l’époque de tomber sur un navet. Et c’est idiot, car il s’agit peut-être de la meilleure œuvre de Kevin Reynolds depuis The Beast/La Bête de guerre. The Beast, Risen : dans les deux cas, il s’agit d’une quête spirituelle dans le désert, sur fond de barbarie. Mais à bien y réfléchir, la barbarie, au cœur d’un désert réel ou spirituel, est le fil conducteur de toute la filmographie apparemment incohérente de ce cinéaste d’origine texane. Dans Waterworld, le désert prend simplement l’apparence d’une vaste étendue liquide, et sur cette eau infinie « marche » un homme qui n’est pas tout à fait un homme…

Dans Risen, Reynolds et son scénariste Paul Aiello reprennent un principe narratif qui n’est pas nouveau en ce qui concerne le Christ : comme dans Quo Vadis et Ben Hur, il s’agit en effet de raconter les événements d’un point de vue décalé, le point de vue distant et parcellaire d’un incroyant qui peu à peu se rend « à l’évidence ». Mais au cœur de ce principe éprouvé, ils choisissent un angle inédit qui le renouvelle : l’intimité ; et qui plus est l’intimité d’un « flic ». Car le tribun Clavius (Joseph Fiennes, remarquable) n’est pas autre chose : c’est un simple « gardien de l’ordre », qui a accompli l’exécution d’un « rebelle Nazaréen » comme une simple routine et qui, quelques jours plus tard, est chargé par Ponce Pilate (Peter Firth) de retrouver le corps du condamné, celui-ci ayant mystérieusement disparu d’un tombeau pourtant lourdement scellé : pour Pilate, il ne faudrait pas en effet que cette disparition devienne l’objet d’un culte chez une population déjà agitée. Tout le film est donc filmé d’un point de vue subjectif, presque médiocre, celui d’un homme prosaïque qui enquête sur ce qu’il considère être un coup monté. Il enquête d’abord sans conviction, ne croyant plus à rien après toutes les horreurs qu’il a vécues (et provoquées), puis il est de plus en plus troublé, jusqu’à reculer de peur lorsqu’il aperçoit enfin, après une heure de film, ce mystérieux Jésus revenu d’entre les morts, calme et silencieux au milieu des siens (apprécions le choix de Cliff Curtis dans le rôle ; pour une fois un acteur au physique non nordique !). Evidemment, ce point de vue d’incroyant est le nôtre et comme Clavius, nous avons d’abord peur…

Je disais plus haut que le budget limité avait servi le sujet. En effet, ne pouvant miser sur des foules immenses et une reconstitution grandiose de Jérusalem, Reynolds se retrouve contraint de filmer sa poignée d’interprètes devant des murs vides, des rochers, des buissons et de la poussière. Parfois seulement devant le sang, les mouches et la pourriture. Et c’est beau. C’est beau parce qu’on sent alors que c’est le monde qui gémit, pas seulement les hommes. Le vide du décor reflète parfaitement le vide spirituel et la tristesse du romain. Et c’est également beau parce que, au cours de l’enquête, qui est bien sûr une quête, ce vide se transforme peu à peu sous nos yeux : il n’est plus du vide mais du plein. Le dépouillement devient alors vertu : Clavius se déleste de ses attributs guerriers pour suivre les apôtres dans le désert, se tenant d’abord à distance, comme un rappel de La Bête de guerre, puis s’approchant de plus en plus d’eux, liant amitié et allant même jusqu’à partager quelques instants avec le Christ, en haut d’un rocher, dans la nuit sereine.

En fait, la pauvreté de moyen de Risen rend pleinement justice aux Evangiles, qui ne sont en aucun cas des péplums spectaculaires mais des épopées intérieures, dans un milieu pauvre. La pauvreté matérielle, tremplin nécessaire de la richesse spirituelle, est la clé des Evangiles. Ce que n’a jamais compris Rome, à l’époque, comme aujourd’hui.

Si quelques scènes trop explicites (le suaire de Turin, l’élévation finale du Christ) sont en porte-à-faux avec le parti-pris réaliste du film et empêchent Risen d’être une pleine réussite, il faut pardonner à Reynolds. Il faut lui pardonner car il a su provoquer par ailleurs des moments de grâce.Avec une maturité et une discrétion qu’on n’attendait pas de lui, le cinéaste nous fait comprendre, par exemple, que le simple ébranlement d’une lourde pierre (celle que place Clavius devant le tombeau du Christ) peut être le début d’un ébranlement intérieur.

Claude Monnier

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