U-Turn, le polar déjanté d’Oliver Stone revient en Blu-ray

Grace McKenna (Jennifer Lopez) & Bobby Cooper (Sean Penn)

Par Claude Monnier : En cette fin d’année, l’éditeur vidéo L’Atelier d’Images a la bonne idée de ressortir, avec force bonus, U-Turn (1997), polar déjanté d’Oliver Stone. C’est un des derniers films totalement maîtrisés du cinéaste, avant des années 2000 plutôt inégales, voire un peu molles, ce qui est le comble pour un artiste au style aussi exacerbé (je ferais une exception pour le grandiose Alexandre, en 2004).

U-Turn, film noir à petit budget mais au casting incroyable (Sean Penn, Jennifer Lopez, Nick Nolte, Powers Boothe, Billy Bob Thorton, Joaquin Phoenix, Claire Danes, Jon Voight… ouf !), a été entrepris après le grave échec commercial des fresques historiques Entre ciel et terre et Nixon. Pour le cinéaste, c’est un retour à l’esprit délirant de Tueurs nés, l’un de ses succès du début des années quatre-vingt-dix. Mais U-Turn, malgré son excellence, s’est planté au box-office. La raison de ce four est compréhensible sur un certain point : c’est le film le plus nihiliste du cinéaste. À la limite, même les deux psychopathes de Tueurs nés croyaient à quelque chose, à l’amour, au couple, tandis qu’ici rien ne trouve grâce aux yeux de Stone.

U-Turn reprend l’argument de Réveil dans la terreur de Ted Kotcheff : un homme (ici un truand minable joué par Sean Penn) se retrouve coincé dans un bled paumé en plein désert, sans pouvoir jamais en sortir, tournant en rond entre plusieurs tarés (au sens propre), comme dans une malédiction. S’ajoute à cela une femme fatale (Jennifer Lopez) qui veut se débarrasser de son époux (Nick Nolte). Epoux qui est aussi… son père.

U-Turn est fondé sur deux aspects : c’est à la fois une caricature de l’Amérique en vase clos et une variation moderne sur le film noir des années quarante. La caricature de l’Amérique est si poussée, si glauque, que l’on comprend que le public (surtout local) l’ait rejetée en bloc : outre l’environnement miteux et le thème terrible de l’inceste (une réalité occultée aux Etats-Unis, nous dit Stone dans les bonus), les personnages sont tous des salopards obsédés par le fric, quand ils ne sont pas tout simplement fous à lier. Aucun Américain, et c’est normal, n’a eu envie d’aller se contempler dans ce miroir déformant. Même dans ses dénonciations précédentes de l’American Dream, Stone se montrait souvent épique et ne pouvait s’empêcher de terminer sur une note d’espoir. Ici ? Rien.

Grace McKenna (Jennifer Lopez)

En revanche, là où le rejet de U-Turn par le public est injuste, c’est en tant que variation moderne sur le film noir des années quarante : si le thème central de ce genre cinématographique développé après-guerre est la Poisse, c’est-à-dire la réincarnation vulgaire, pour l’Amérique, du terrible Destin des anciens Grecs, alors U-Turn est le film noir ultime ! Au point de devenir extrêmement (et délibérément) drôle dans ces moments répétés de malchance, de stagnations et de trajets en boucle. C’est là que le style fiévreux et halluciné de Stone, couplé avec la photo littéralement chauffée à blanc, surexposée, du grand Robert Richardson, prend tout son sens : cette réalisation subjective parvient remarquablement à nous mettre dans la tête d’un truand désespéré et à fleur de peau, victime d’insolation, à la fois éberlué et moqueur face à cette localité d’Arizona qu’il considère « comme une ville mais en plus laid », truand qui s’enfonce dans la paranoïa (justifiée) et qui se retrouve persécuté par les bêtes et le soleil lui-même !

L’Atelier d’Images

Avec ce film, Stone a réellement voulu faire un épisode hardcore de Bip Bip et le Coyote, sur une musique délirante d’Ennio Morricone. Et sur ce plan, comme sur celui du jeu des comédiens, tous formidables, U-Turn mérite amplement… le détour.

Claude Monnier

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