Notre-Dame brûle : le film-catastrophe de Jean-Jacques Annaud

Par Claude Monnier : La première moitié de la carrière de Jean-Jacques Annaud pourrait s’intituler : Itinéraire d’un enfant gâté. De La Victoire en chantant (Oscar du meilleur film étranger) à Stalingrad (un film de référence sur la Seconde guerre mondiale), ce fut une série d’exploits cinématographiques récompensés par des triomphes publics et/ou critiques réguliers. Succès amplement mérité : La Guerre du feu, Le Nom de la rose, L’Ours et L’Amant sont des films d’une grande classe, qui savent éviter l’académisme par leur réalisme et, parfois, leur crudité.

Les vingt dernières années, en revanche, n’ont guère été tendres pour Annaud. Le cinéaste a, semble-t-il, perdu le contact avec le public et les critiques, avec des films plus confus comme Sa Majesté Minor ou plus convenus comme Deux frères, Or Noir ou Le Dernier loup. L’exigence technique est toujours là, et Le Dernier loup est assez majestueux sur ce plan, mais Annaud semble n’avoir rien à dire de puissant, contrairement aux films précédents.

Avec Notre-Dame brûle, on ne retrouve pas encore, hélas ! le grand Annaud. Ce film a été entrepris rapidement pour témoigner à chaud de cette catastrophe à peine croyable (huit siècles qui partent – partiellement – en fumée pour un vulgaire mégot) ; l’autre but étant de rendre hommage à l’abnégation des pompiers qui ont failli périr, tant les conditions de lutte étaient quasi-impossibles. Certes, l’exploit cinématographique, la minutie, deux aspects typiques du cinéaste, sont là : filmage en Imax, reconstitution de parcelles entières de la cathédrale… on s’y croirait. Et certes, l’on retrouve bien ici les thèmes de la Civilisation et de la transmission du savoir, qui sont l’obsession d’Annaud : comme pour Guillaume de Baskerville piégé dans l’abbaye en flamme du Nom de la rose, le souci principal, pour les pompiers et le personnel de Notre-Dame, n’est pas tant de sauver la pierre que de sauver les objets uniques des siècles passés, c’est-à-dire de préserver l’Histoire. Noble thème. Et il y a une vraie émotion, au début du film, à voir en gros plans tant d’étrangers ébahis devant la culture française, celle-ci dégageant, via le christianisme, quelque chose d’universel et de mystérieux. Mais Annaud, par respect pour les événements, a choisi, comme Eastwood dans Le 15h 17 pour Paris, de ne pas prendre de stars. À moins que l’on considère comme des stars Anne Hidalgo et Emmanuel Macron, qui viennent ici jouer leur propre rôle le temps de quelques secondes… Grand moment de gêne, avouons-le, devant cette « authenticité » forcée, qui sonne encore plus faux que de la pub. Cela dit, Macron joue un peu mieux la comédie qu’Anne Hidalgo, il faut lui accorder ça.

Non, la star, ici, c’est le feu… mais, malgré le « spectacle », cela manque par trop de variété. Annaud est un peu coincé par l’absence (volontaire) de scénario. On a ainsi plus l’impression de voir une très bonne docu-fiction d’Arte ou de la BBC qui durerait simplement une demi-heure de plus. D’autant que, pour conserver un aspect brut, documentaire, au film, le cinéaste a tenu à insérer dans son montage un grand nombre d’images télévisuelles qui ont capté l’événement en direct. Images souvent ingrates sur les bouchons de la capitale ou la cathédrale vue de loin. Du coup, en dehors de l’immersion sonore, on se demande à certains moments à quoi sert l’IMAX : quel spectacle, en effet, de voir sur un écran géant le générique du 20h de France 2 (en entier) et le visage inédit d’Anne-Sophie Lapix ! Heureusement, les étrangers, à qui le film est essentiellement destiné, n’y verront que du feu.

Significativement, Annaud retrouve tout son talent dans les nombreuses scènes claustrophobes où les pompiers tentent d’avancer dans les escaliers hyper étroits de la tour (on étouffe réellement avec eux) et lorsque la caméra filme la fumée et les ténèbres en plans subjectifs. Devant ces beaux moments de pur cinéma, on se dit que le cinéaste a eu tort de multiplier les points de vue dans son film, utilisant même à plusieurs reprises, et de manière totalement inutile, le split-screen.

Encore une fois, en art, moins, c’est plus.

Claude Monnier

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