
Par FAL : Mario Bava, John Philip Law, Marisa Mell, Michel Piccoli… Ils sont tous morts, mais une nouvelle aventure cinématographique de Diabolik, réalisée par les frères Marco et Antonio Manetti, est (enfin) sortie en Italie il y a quatre mois et, s’il ne semble pas qu’une diffusion sur quelque support que ce soit soit prévue en France pour l’instant, on peut aisément se procurer depuis quelques jours via Internet le DVD italien, qui présente l’avantage d’être sous-titré en anglais.
Ce nouveau Diabolik reprend bien sûr les principaux personnages et les immuables décors des fumetti originaux, mais il entend se démarquer très nettement du Bava en traitant l’affaire beaucoup plus au sérieux et en nous ramenant – influence des productions Marvel ? – aux origines des protagonistes. Point de téléphones portables, ni d’ordinateurs ici : l’époque, annoncée officiellement comme telle, est celle des années soixante, et toute la première partie de l’histoire nous fait assister à la première rencontre entre Diabolik et Eva Kant (la seconde, beaucoup plus conventionnellement, tourne autour d’un vol de bijoux dans une banque).

Mais il n’est pas sûr que ce retour aux origines soit très judicieux. On pourra incontestablement se réjouir de retrouver sur l’écran l’esthétique sombre des bandes dessinées originales – que Bava avait un peu oubliée en apportant avec lui sa palette de couleurs –, mais encore faut-il connaître les bandes dessinées originales. Curieusement, alors qu’en Italie Diabolik n’est pas loin de s’être imposé comme un héros populaire, sinon national – on ne compte plus les éditions, rééditions, rééditions sur papier glacé, albums grand format et tutti quanti qui surgissent chaque mois depuis un demi-siècle –, il reste très marginal en France. À la fin des années soixante-dix parurent très régulièrement chez les marchands de journaux des petits formats traduits en français, mais la publication s’arrêta brutalement au bout d’une cinquantaine de titres sans autre forme de procès.

Or ce qui a garanti en Italie l’étonnante longévité de Diabolik, c’est probablement l’évolution du personnage à travers six décennies. Disons, pour aller vite, que, double de Fantômas au départ, il est progressivement devenu une espèce de cousin d’Arsène Lupin. Autrement dit, le Diabolik des origines tuait sans le moindre scrupule tout ce qui pouvait se trouver sur son passage et n’hésitait pas à rendre littéralement folle Elisabeth, son épouse légitime et amoureuse, à partir du moment où il décidait de faire d’Eva Kant sa nouvelle compagne ; le Diabolik d’aujourd’hui continue de plus belle à cambrioler banques et bijouteries, mais, dans l’ensemble, il ne tue plus que des crapules de la pire espèce. Bref, même s’il n’a pas lu la préface de L’Esprit des lois de Montesquieu, la notion de bien et de justice a fini par trouver, au moins dans une certaine mesure, une place dans son cerveau. Il peut même lui arriver de collaborer avec son ennemi juré, l’inspecteur Ginko…

Les Manetti Brothers, en réalisant aujourd’hui un Diabolik qui renvoie à la naissance du génie du crime, se sont retrouvés face à une contradiction probablement insoluble. Leur Diabolik est Fantômas… jusqu’à un certain point. Autrement dit, la manière dont il échappe à la guillotine en s’arrangeant, à coups de masques et de déguisements, pour mettre quelqu’un d’autre à sa place s’inspire directement d’un des premiers romans de la série des Fantômas, mais, chez Souvestre et Allain, le « remplaçant malgré lui » était un comédien qui n’avait fait de mal à personne, tandis qu’ici c’est un ministre de la Justice qui fait chanter la terre entière en profitant de sa fonction pour constituer des dossiers compromettants et qui mérite donc d’être exécuté. De la même manière, Elisabeth, ici, devient folle, mais elle ne devient pas folle à cause de Diabolik, lequel précise d’ailleurs qu’il prendra soin de lui laisser beaucoup d’argent avant de l’abandonner. Vous avez dit #MeToo ?

Assis entre deux chaises ou, si l’on préfère, entre deux visions du personnage, le comédien Luca Marinelli (vu précédemment dans La grande bellezza) est quelque peu gêné aux entournures. L’air méchant qu’il essaie de prendre constamment n’est jamais qu’un air têtu. John Philip Law était peut-être, comme certains l’ont dit, un comédien limité, mais il savait, un peu comme Roger Moore, faire tout passer avec un clin d’œil.
On aura compris que, si ce Diabolik n’est jamais vraiment ennuyeux, il n’est jamais vraiment enthousiasmant non plus, dans la mesure où il n’offre aucune véritable surprise. On retiendra quand même la perfection des trucages portant sur les masques, résultat d’une combinaison entre effets physiques et CGI. Même les Mission : Impossible de Tom Cruise n’ont pas fait à ce jour aussi bien dans ce domaine.
Frédéric Albert Lévy
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