Sanglantes confessions, De Niro et Duvall au cœur de la corruption

Par Claude Monnier : L’Atelier d’images ressort cet été en vidéo Sanglantes confessions (1981), polar au casting impressionnant : Robert De Niro, Robert Duvall, Charles Durning, Burgess Meredith, Kenneth McMillan… Toutefois, malgré ce casting, le film n’a pas laissé une grande trace dans l’histoire du Nouvel Hollywood, sans doute parce qu’il est arrivé en queue de comète, après les mastodontes Apocalypse Now, Reds, La Porte du Paradis et Raging Bull. Sans doute aussi parce que son metteur en scène, Ulu Grosbard, s’est voulu plus intimiste, plus discret, que ses collègues. Le film raconte l’histoire de deux frères se débattant au milieu de la corruption, dans le Los Angeles de l’après-guerre. L’un est prêtre (De Niro), l’autre est flic (Duvall). Le prêtre, ambitieux, a pris l’habitude, pour complaire à l’évêque du diocèse, de fréquenter les riches hommes d’affaires de Los Angeles afin d’obtenir des dons « pour le bien de l’Eglise ». Le flic, inspecteur à la Criminelle, arpente quant à lui la pourriture des bas-fonds.

Reconstitution soignée, jeu impeccable mais sans surprise des comédiens principaux : au début, en voyant ce prêtre et cet inspecteur dans l’exercice de leur fonction, et pour peu qu’on n’ait pas lu le roman de John Gregory Dunne (1977) qui est à la base du film, on se demande où Grosbard veut en venir. Mais au détour d’une scène, lorsque l’inspecteur découvre le cadavre d’un prêtre, mort d’une crise cardiaque dans le lit d’une prostituée, on commence à se douter… Et quand, un peu plus tard, le même inspecteur aperçoit dans un terrain vague le corps d’une jeune femme coupée en deux, et dont le sang a été entièrement aspiré, on frémit et on comprend que Grosbard, bien avant Ellroy et De Palma, a décidé de plonger la tête la première… dans l’affaire du Dalhia noir !

Comme Chinatown de Polanski, Sanglantes confessions a pour but de montrer la face cachée de la Cité des Anges. Mais si Polanski le fait avec cruauté et ironie, Grosbard le fait avec désolation. On a reproché à De Niro d’être « décalé » dans son rôle, le spectateur sentant constamment un acteur en pleine composition, un acteur jouant les prêtres. Mais Grosbard, disciple de Kazan depuis ses débuts au théâtre, est trop bon directeur d’acteurs (tout le casting est dirigé de main de maître) pour ne pas avoir provoqué volontairement ce « décalage » : en effet, le personnage de De Niro ne se sent plus prêtre, il est en porte-à-faux avec sa vocation originelle, il a été dévoyé et a perdu la foi, il est devenu un automate, un pantin, faisant la messe sans conviction, devant un parterre bourgeois encore plus hypocrite que lui. Il faut voir la lassitude de ce prêtre dans les scènes de confessionnal. Dans le même temps, c’est dans ces scènes de confessions, lorsqu’il est dans sa cellule, hors du paraître social, et donc au plus proche de la vérité des êtres, que le prêtre ressent le plus son isolement intérieur, son malaise.

Dès lors, tout l’enjeu du film est de sauver cet homme, de l’extraire de ce milieu affairiste qui le tue à petit feu. Et c’est le frère policier, en apparence plus « vulgaire », qui va permettre, en menant son enquête sur le Dalhia noir (rebaptisé ici « la Vierge dévergondée ») et le milieu bourgeois qu’elle fréquentait, de faire éclater l’abcès. Soit dit en passant, tout sobre soit-il, et sans doute justement grâce à cette sobriété, Grosbard parvient en quelques courtes scènes à rendre l’enquête sur le Dalhia noir bien plus fascinante que le film de De Palma dans son entier (De Palma – et donc sans doute Ellroy – ayant même piqué à Grosbard la scène où les policiers regardent le film porno de la starlette !). Ici, pas de flashbacks baroques, pas de circonvolutions vertigineuses. Un simple plan à l’épaule dans un petit studio de cinéma abandonné, avec au fond une baignoire pleine de sang séché, suffit à nous tétaniser.

Dans tout le film, c’est avec une certaine douceur, un certain flottement ouaté, que Grosbard fait passer l’horreur et la désolation. Douceur annoncée par le prologue, dans le désert californien, où les deux frères vieillissants se retrouvent une dernière fois, encore marqués par cette terrible histoire. Douceur qui est en réalité de l’engourdissement. L’engourdissement de l’esprit traumatisé.

Claude Monnier

(Sanglantes confessions sera disponible le 23 août en DVD/Blu-ray, avec en bonus un entretien avec le journaliste Samuel Blumenfeld)

Vous pouvez lire la critique de Sanglantes confessions par FAL: True Confessions

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