Sanglantes confessions : True Confessions

Par FAL : Un quart de siècle avant que Brian De Palma ne tourne, en s’inspirant d’un roman de James Ellroy, son Dahlia noir – film noir certes, mais aussi, hélas, fourre-tout discutable, zieutant entre autres du côté de Jules et Jim de Truffaut et de L’Homme qui rit de Hugo –, un autre réalisateur, moins célèbre, Ulu Grosbard, s’était attaqué au même sujet. Son film, True Confessions (en français – inexact – Sanglantes Confessions), interprété par Robert De Niro et Robert Duvall, est réédité ces jours-ci en Blu-ray par l’Atelier d’images.

À vrai dire, ces deux films ne sont que deux « variations » parmi des dizaines d’autres autour d’un même fait divers. Depuis 1947, l’affaire du Black Dahlia, véritable concentré d’abjection humaine (1),  n’a cessé d’« inspirer » des films, des romans, et même des chansons. Le fait qu’elle n’ait jamais été résolue a permis à divers Sherlock Holmes au petit pied de l’évoquer en s’autorisant maintes licences poétiques, dont quelques-unes ont de quoi vous laisser pantois : dans la liste des assassins hypothétiques, certains n’ont pas craint d’inscrire le nom d’Orson Welles !

Le mérite de True Confessions est de ne pas proposer une solution à cette affaire qui n’en connaîtra probablement jamais, mais de s’en servir comme prétexte à l’étude de deux individus et, à travers eux, d’une société corrompue jusqu’à la moelle. Grosbard expliquait qu’il avait choisi d’exercer le métier de metteur en scène de théâtre – beaucoup – et de cinéma – un peu – à cause de l’intérêt que suscitait chez lui la question du destin des individus : « You are here now – but how easily you could have ended up somewhere else. » (Tu es ici maintenant, mais tu aurais très bien pu te retrouver ailleurs.)Le même point de départ, puisque les personnages interprétés par De Niro et Duvall sont deux frères, peut déboucher sur des parcours sensiblement différents : le premier est prêtre, le second policier.

Bien sûr, on pourra dire que, chacun à sa manière, tous deux sont des représentants de l’ordre et de la vertu, mais les choses sont en réalité beaucoup plus complexes. Le policier, du fait de son métier, ne cesse de côtoyer des gens peu recommandables ; il était d’ailleurs avant cela « collecteur de fonds » d’un notable véreux et ne s’est peut-être reconverti qu’à cause de la culpabilité qu’il a pu éprouver lorsqu’une tenancière de maison de passe a eu l’amabilité de porter le chapeau (et donc de passer plusieurs années en prison) à sa place. Quant au prêtre, si sa vocation ne saurait être mise en doute, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas dépourvu d’ambition (une réplique à peine ironique n’exclut pas qu’il pourrait devenir un jour papabile) et que, pour gravir certains échelons, il est amené, au nom du bien, à fermer les yeux sur certaines choses : l’Église va-t-elle refuser les donations qui pourront lui permettre de construire un orphelinat lorsque ces donations émanent de crapules patentées, dont la générosité est dictée uniquement dans de vils calculs politiques ? À l’inverse, quand un prêtre meurt entre les bras d’une prostituée dans un bordel, ne faut-il pas, dans l’intérêt du bordel… et dans celui de l’Église, se hâter d’étouffer l’affaire ?

Affiche originale américaine de True Confessions

True Confessions est, disons-le, un film lent, mais comment pourrait-il en être autrement ?  L’action, dans tous les sens du terme, n’est pas à trouver dans des poursuites en voiture ou dans des échanges de coups de feu (et, comme on s’en doute, l’identité du coupable ne sera d’ailleurs que suggérée). Non, l’action, la vraie, reste, pour ainsi dire, cérébrale : le sujet essentiel, nous semble-t-il, et pour le prêtre et pour le policier – et c’est en cela que tous deux se rejoignent ou plus exactement se croisent – est de savoir quand les compromis risquent de devenir compromissions, autrement dit quand il convient de renoncer au monde pour éviter de renoncer à soi-même.

Évidemment, se retrouver tout seul au milieu d’un désert n’est sans doute pas très drôle, mais saint Augustin nous dirait qu’il est des cas où il faut savoir mourir pour ne pas mourir.

Frédéric Albert Lévy 

(1) Rappelons que « Black Dahlia » est le surnom posthume donné par la presse américaine à une jeune fille nommée Elizabeth Short, dont le corps, littéralement coupé en deux et mutilé en différents endroits, fut retrouvé dans un terrain vague (v. long article dans Wikipedia version anglaise si l’on veut des détails), mais l’abomination de ce meurtre ne se borna pas au meurtre lui-même : des journalistes avides de scoop firent venir à Los Angeles la mère de la victime en lui faisant croire que sa fille venait de gagner un concours de beauté…

Vous pouvez lire la critique de Sanglantes confessions par Claude Monnier ici : De Niro et Duvall au cœur de la corruption

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