Preview Megalopolis: Coppola en plein rêve

Par Claude Monnier: C’est une première dans l’histoire du cinéma, et peut-être dans l’Histoire tout court : 120 millions de dollars ; jamais un artiste n’a investi personnellement une telle somme pour réaliser son œuvre. Il y a eu, par le passé, des mécènes déraisonnables dans tous les domaines artistiques, et notamment en architecture, mais pour la première fois le mécène déraisonnable est l’artiste visionnaire. Endetté pendant presque deux décennies à cause de la chute des studios Zoetrope en 1982, dégoûté par Hollywood, Coppola le combatif avait fini par prendre sa revanche sur ses déboires en prospérant dans la viticulture, depuis son grand domaine de la Nappa Valley. Au point de devenir multimillionnaire à partir des années 2000. Mais au fond de lui, l’ambition artistique n’était pas éteinte : pour preuve ses trois films indépendants, réalisés entre 2007 et 2012 : L’Homme sans âge, Tetro et Twixt. Et le serpent de mer Megalopolis.

Ce projet pharaonique a pour cadre un New York fantasmé, à mi-chemin entre le New York contemporain et la Rome antique. La ville est au bord d’une catastrophe (dont on ignore encore la nature) et deux hommes s’opposent quant à son avenir : le maire, qui a une vision traditionnelle, et un architecte novateur, qui a une vision totalement utopique. Entre ces deux hommes puissants, une jeune femme déchirée : la fille du maire, qui est amoureuse de l’architecte. Cette bataille entre la jeune garde et la vieille garde s’inspirerait, selon Coppola, de la Conjuration de Catilina, du nom de ce patricien qui voulut renverser la République romaine en 63 avant J.C., et qui fut combattu par Cicéron. Coppola envisage donc un péplum moderne du type Spartacus. D’où le budget monstre.

Dessin de JackalopeFilm

Le projet Megalopolis remonte à 1984, lorsque le cinéaste écrivit un traitement quasi romanesque de quatre-cent pages, mais la préproduction tomba à l’eau à cause de la faillite des studios Zoetrope. Opiniâtre, le cinéaste relança le projet en 2001, tourna quelques plans de Big Apple, mais cette fois les attentats du 11 septembre firent reculer les investisseurs : l’idée d’un New York au bord du chaos était devenue tabou… Ces dernières années, plus personne n’y croyait et la vision d’un Coppola amaigri, affaibli, avait fait s’envoler tout espoir. L’homme était-il malade ? En fait, cet amaigrissement spectaculaire est tout simplement volontaire : inquiet des répercussions de son obésité sur sa santé et désirant dépasser les cent ans comme son oncle (toujours la concurrence dans cette famille !), Coppola a suivi en 2018 une cure spéciale en institut. Le but : être suffisamment en forme pour soutenir le tournage de Megalopolis ! D’ailleurs, comme on n’y croyait vraiment plus, voir les premières images de Coppola sur le plateau, ainsi que celles des comédien(ne)s dans leurs costumes flamboyants, tient presque du rêve éveillé… Est-ce vraiment en train d’arriver ? Megalopolis, cette utopie philosophique d’une ampleur inédite au cinéma, va-t-elle vraiment advenir dans notre dimension spatio-temporelle, en pleine ère Marvel ?…

Commencé en ce mois de novembre 2022, le tournage s’achèvera si tout va bien en mars 2023 ; à cela s’ajoutera un an de post-production pour le montage et les nombreux effets visuels. Sortie prévue sur grand écran en 2024. Megalopolis sera toutefois moins lourd à mettre en scène que le Napoléon de Ridley Scott (autre octogénaire fou qui a décidé de défier le Temps !) : une bonne partie des scènes se fera dans un studio pionnier en Géorgie, utilisant des écrans LED géants. Un environnement moins contraignant pour le vieux Coppola. Et qui correspond à son vieux rêve de studio-monde – rêve qui prit racine dans les terres boueuses d’Apocalypse Now

Disons-le en toute lucidité, tout cela peut aboutir à un ratage : le concept du péplum moderne est casse-gueule, le quasi-tout numérique peut engendrer un sentiment d’inauthenticité, l’esthétique des costumes chatoyants pourra faire sourire, de même que, pour les plus cyniques (et ils sont légion), l’idée d’Utopie défendue par Coppola. Mais 120 millions de dollars empêcheront à coup sûr le film de paraître étriqué. Le casting est très bon : Adam Driver (l’architecte), Forest Whitaker (le maire de New York), Nathalie Emmanuel (la fille du maire), puis dans les seconds rôles, entre autres, Jon Voight, Dustin Hoffman, Laurence Fishburne, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Talia Shire, James Remar… Le scénario, vu son temps de maturation, sera tout sauf bâclé et nous changera, par ses ambitions politiques, du tout-venant hollywoodien. Reste à savoir quel style Coppola va adopter : le style cérémonial et sombre de la trilogie du Parrain ? Le style fluide et coloré de Coup de cœur et de Tucker ? Coppola envisageant Megalopolis comme la grande synthèse de toute son œuvre, ce sera sans doute un mélange des deux.

Autre question importante, surtout pour un péplum : qui composera le score (si score original il doit y avoir) ? Personnellement, je verrais bien un autre papy génial : John Williams. Ce serait une première pour les deux artistes. Quitte à rêver, rêvons jusqu’au bout…

Claude Monnier

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