La Mort était au rendez-vous: spaghetti al Dante

Par Claude Monnier: La Mort était au rendez-vous (1967) fait partie de la salve de westerns italiens remasterisés que ressort en ce moment l’éditeur Elephant, avec force boni. Par sa grande rigueur, sa beauté formelle et son étrangeté, on peut sans problème le considérer comme un sommet du genre. John Phillip Law est sans doute moins charismatique que Clint Eastwood, mais justement le metteur en scène, Giulio Petroni, a su tirer parti de cette « faiblesse ». Explication.

Le film s’ouvre sur une terrible nuit d’orage. Quatre bandits masqués pénètrent dans une ferme et massacrent les habitants, sous les yeux du petit dernier qui est parvenu à se cacher sous un meuble. Puis les hors-la-loi mettent le feu à la maison. Un cinquième bandit, qui n’a pas participé au massacre, et qui arbore une amulette à tête de mort, sauve l’enfant des flammes et l’abandonne sous la pluie battante. Quinze ans plus tard, l’enfant est devenu un beau jeune homme obsédé par la vengeance (Law). Il s’entraîne dur pour cela, tel un automate. Mais cette répétition de gestes d’entraînement, accentuée par le montage à la Eisenstein, montre en réalité une stagnation, un blocage. Car cet ange qui se veut exterminateur est surtout un ange traumatisé. Et c’est justement l’arrivée d’un tueur plus âgé (Lee Van Cleef), ayant un compte à régler avec les notables locaux, qui va le débloquer et peut-être, in fine, le libérer.


La beauté de ce western italien par rapport à ses confrères immédiats, c’est qu’il est avant tout un récit d’initiation. Voire : un récit de double initiation puisque le vieux, obsédé par l’argent, finit par s’apercevoir qu’il a besoin du jeune, de sa pureté, de son désintéressement. C’est pourquoi les deux hommes, qui aimeraient mener leur combat séparément, ne cessent de s’attirer comme des aimants. Jouant avec cette force magnétique irrépressible qui les contraint à collaborer, ils se doublent malicieusement sur les lieux de l’enquête, se font d’aimables coups de vache, puis aussitôt après, pris de remords, de salvateurs coups de main. Mais cette savante structure en miroir, au fond, n’a rien de positif : elle est surtout symbole d’enfermement, d’aliénation au monde de la mort. Elle est comme un cercle de l’Enfer que les héros ne parviennent pas à franchir, à l’image des images traumatiques qui reviennent sans cesse dans l’esprit du jeune homme : des images rouges qui s’inscrivent dans ses yeux écarquillés. Deux yeux qui sont deux cercles supplémentaires de l’Enfer… Par son expérience, Lee Van Cleef est le premier à prendre conscience de cette boucle maudite, de cette aliénation, et cherchera à libérer son jeune disciple. Ainsi, malgré l’horreur criarde typique du western italien, le film véhicule un sentiment positif, humaniste.

Au final, La Mort était au rendez-vous est si intelligemment conçu qu’il peut s’interpréter de trois manières, preuve de sa richesse :

1- Le vieil homme guide le jeune homme et le met sur le droit chemin, chose classique.
2- Le vieux damné sauve l’âme du jeune damné, il le fait renaître à la vie (littéralement ici : il le déterre), chose symbolique.
3- Lee Van Cleef, « orphelin » d’Eastwood (avec qui il ne travaillera plus), guide John Phillip Law pour qu’il devienne Eastwood, afin de continuer le jeu des films précédents, chose méta cinématographique (attendu que le western italien est par essence un genre de cinéma sur un genre de cinéma ; la voix française de Law, qui est celle d’Eastwood, renforce cette interprétation).

Et à cette structure intelligente s’ajoute l’atmosphère particulière du western italien (qu’on peut d’ailleurs ne pas apprécier) : en voulant faire passer l’Espagne pour l’Amérique et des Italiens pour des Texans, on se retrouve dans un espace qui n’est ni l’Espagne, ni l’Amérique, ni l’Italie. C’est un espace intermédiaire, un no man’s land, un terrain vague quelque part entre le Ciel et l’Enfer, un purgatoire aride et morne, ce qui accentue la dimension allégorique des œuvres. Du moins des plus belles.

Claude Monnier

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