
Par FAL : Il y aura toujours des intégristes pour penser et pour soutenir que les seuls vrais westerns sont des westerns américains et que les westerns italiens ne sont que des imitations. Des copies. Peut-être, mais alors ce sont de bonnes copies – des copies qui, comme disait La Rochefoucauld, « nous font voir le ridicule des originaux ». Ridicule, le western américain ? Le mot est sans doute ici un peu fort, mais on ne comprend pas grand-chose au western italien si l’on n’a pas d’abord en tête que le western américain – genre qui au demeurant compte d’innombrables chefs-d’œuvre – est l’expression d’une histoire fantasmée (faut-il rappeler ici le fameux « Print the legend » de L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford?). Ce ne sont pas uniquement des Gary Cooper ou des James Stewart qui ont fait « la conquête de l’Ouest », mais bien plutôt des affreux, des sales et des méchants, des individus rejetés par la société et de ce fait, au sens propre du terme, des hors-la-loi. Sergio Leone n’a jamais voulu imiter le western américain ; il a clairement expliqué qu’il entendait le détruire (on ne disait pas encore « déconstruire » au milieu des années soixante), autrement dit le dépouiller de ses inexactitudes et de ses mensonges. Autrement dit accomplir un vrai travail d’historien : faire du révisionnisme dans le bon sens du terme, puisque l’histoire est une discipline qui ne cesse de se remettre en question en fonction des nouveaux éléments qui constamment viennent enrichir notre connaissance du passé (certains progrès scientifiques permettent par exemple aujourd’hui de déchiffrer des textes sur ce qui n’était jusque-là que des cendres).

Si le western italien était l’imposture que disent certains, nous n’aurions pas eu à sa suite des westerns américains portant largement sa marque. Pensons à Barquero de Gordon Douglas avec Lee Van Cleef, à Pendez-les haut et court de Ted Post avec Clint Eastwood, ou encore à Impitoyable de et avec Clint Eastwood, où celui-ci ne cesse d’expliquer qu’il n’est pas le héros qu’on croit, puisqu’il ne se souvient pas des circonstances dans lesquelles il a réalisé « l’exploit » dont on le crédite – il était ivre et la gloire qu’on lui attribue est donc dans une très large mesure usurpée.
On ne s’étonnera pas de rencontrer parmi les figures récurrentes, sinon obsessionnelles, du western italien le flashback (Leone a même mis du flashback dans Il était une fois en Amérique, qui n’est pas exactement un western) : le flashback, en effet, permet non pas tant de revoir que de réviser un événement passé et de dévoiler une vérité – ou une partie d’une vérité – jusque-là cachée. Et on ne s’étonnera pas de voir cette figure de style apparaître dans des intrigues ayant pour thème central la vengeance. Sur un schéma qui peut, reconnaissons-le, être caricatural – ils ont tué son père, sa mère, sa sœur, son chien et son chat il y a vingt ans ; lui seul a échappé au massacre en se dissimulant sous une armoire ; mais aujourd’hui il revient, et ils vont voir ce qu’ils vont voir ! –, mais schéma qui peut laisser la place à des surprises : les bons westerns italiens ne peuvent être racontés sans qu’on dévoile tout, car ils sont le plus souvent construits sur une ambiguïté, les méchants se révélant parfois un peu moins méchants qu’ils ne semblent, et les bons souvent bien moins bons.

Elephant Films a la bonne idée de lancer une Vendetta Collezione, dont le titre dit bien ce qu’il veut dire. On a déjà évoqué dans ce blog La mort était au rendez-vous de Giulio Petroni, qui reste sans doute le modèle du genre, avec une ambiguïté qui débouche sur une véritable émotion. La sortie de ce titre (et également de Mon nom est Pecos) est, semble-t-il, quelque peu retardée, mais on peut d’ores et déjà voir Le Grand Duel, de Giancarlo Santi, ancien assistant de Leone – il aurait même réalisé Il était une fois la révolution si le versant américain de la production n’avait exigé que Leone prenne lui-même l’affaire en main –, et avec, dans le rôle du shérif à la fois bonhomme et sans pitié, l’inimitable Lee Van Cleef. Scénario riche, non sans parenté avec celui de La mort était au rendez-vous (ici aussi, Van Cleef sert en quelque sorte de mentor à un jeune homme inexpérimenté), trop riche peut-être – un peu touffu du fait de l’abondance d’intrigues secondaires qui tourne au patchwork –, mais deux originalités : ceux qui veulent se venger sont ici les méchants (mais évidemment, ils ont tort !), et l’inévitable « grand duel » final est savamment déséquilibré, puisqu’il se joue à un contre trois. Bien entendu, c’est le un qui va gagner contre les trois, mais toute la question est de savoir comment. La morale est sauve, mais au prix d’une petite entorse à ce qui devrait être le cours normal des événements…
Frédéric Albert Lévy
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