
Par Claude Monnier : 1944. Un espion nazi infiltré dans l’armée britannique, Henry Faber (Donald Sutherland), découvre le projet de débarquement en Normandie. Poursuivi par les services secrets, il prend la mer en pleine tempête et échoue sur une île isolée au large de l’Ecosse. Il est alors recueilli et soigné par Lucy (Kate Nelligan), une jeune femme délaissée par son mari handicapé et acariâtre (Christopher Cazenove). Malgré elle, Lucy tombe sous le charme d’Henry, dont elle ignore la terrible mission.

C’est en voyant L’Arme à l’œil que George Lucas eut l’idée d’engager Richard Marquand pour mettre en scène Le Retour du Jedi. Outre le cadre de la Seconde Guerre mondiale qui le passionne, Lucas avait été séduit par le montage dynamique du film et la capacité de Marquand à préserver l’intimisme au cœur de l’action. Dans L’Arme à l’œil en effet, le projet de Marquand est de transformer, voire de transcender son récit de guerre en drame passionnel. D’où son emploi du vétéran Miklos Rozsa pour la musique, celle-ci devenant de plus en plus romantique et exacerbée au cours du film. Le talent de Marquand est ici de mettre en symbiose l’intensité de la passion amoureuse et la violence de la nature environnante : vents dévastateurs, vagues fracassantes, rochers coupants. L’absence de transparences de studio, comme dans La Fille de Ryan de David Lean, oblige les acteurs à lutter contre les éléments… et à tout donner. Pensons à cette scène poignante où Kate Mulligan, superbe actrice, hurle son désespoir au milieu des rochers, malmenée comme eux par le ressac. L’écho stérile de son cri redouble la solitude et la nudité du paysage.

En intérieurs, Marquand est tout aussi habile, passant subrepticement du plan moyen au très gros plan, resserrant à chaque fois son étreinte, comme pour pénétrer la chair des personnages. Manière troublante d’épouser le mode opératoire de l’espion Henry Faber, surnommé par ses pairs « L’Aiguille » (Needle) : attitude douce au premier abord, puis peu à peu le masque tombe, jusqu’à l’étreinte fatale. La violence du film est saisissante. Inutile de dire que Sutherland excelle dans ce registre ambivalent. S’il est sincèrement amoureux de Lucy, Henry ne peut s’empêcher de l’approcher avec cette technique de serpent. Déformation professionnelle sans doute, pour un être profondément seul, qui depuis l’enfance a mené double jeu pour complaire aux ambitions militaires de son père. Henry est bel et bien un damné. Il se raccroche à Lucy comme à une bouée de sauvetage. Toute la difficulté de la jeune femme, dans la dernière partie du film, sera de se détacher de cette emprise, emprise qu’elle a tant désirée. Au final, autour d’elle comme en elle : un paysage déchiqueté…

S’il n’est pas reconnu comme un auteur, remarquons que la plupart des films de Marquand (Psychose Phase 3, L’Arme à l’œil, Le Retour du Jedi, A Double tranchant) sont l’exploration intime d’un seul thème : l’attirance-répulsion pour le Mal.
Claude Monnier
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