
Par FAL : L’amnésie étant, avec le bon sens, la chose du monde la mieux partagée, les critiques qui, il y a quelques mois, se sont pâmés devant le film de François Ozon Mon crime ont bien signalé qu’il s’inspirait d’une pièce de théâtre, mais ont omis de préciser que le sujet avait déjà été traité au cinéma en 1958 – et plus subtilement peut-être – dans le film de Gilles Grangier Trois jours à vivre.

Dans Mon crime, le point de départ est la revendication par une actrice d’un crime qu’elle n’a pas commis, moyen pour elle – même si, modernité oblige, on a cru bon d’ajouter un peu de sauce #MeToo dans l’affaire – d’obtenir la célébrité qu’elle n’arrive pas à acquérir par son métier. Même schéma dans Trois jours à vivre, à ceci près que le personnage central, Simon, (Daniel Gélin), lui aussi comédien en mal de gloire, ne s’accuse pas d’avoir commis un crime, mais, seul témoin d’un meurtre, prétend reconnaître l’assassin dans ce Lino que la police lui présente (Lino Ventura) alors même qu’il voit bien que cet homme n’est pas le bon. Mais qu’importe après tout ? L’individu qu’il accuse est de toute façon peu recommandable et le fait pour lui d’être cité dans les journaux comme étant l’homme grâce à qui on a pu retrouver le coupable le fera sortir de l’anonymat auquel le cantonnent les seconds rôles qui ont été son lot jusqu’à présent. Plan parfait, si ce n’est que, quelques mois plus tard, le faux coupable, qui est de fait du genre coriace, s’évade de prison et promet de devenir vraiment un assassin en venant occire trois jours plus tard (d’où le titre) son perfide accusateur. Trois jours ? Pas tout de suite ? C’est que la vengeance ne serait pas complète s’il ne le faisait d’abord mourir à petit feu.

Le film est « vendu » comme un polar de la même eau qu’Échec au porteur du même Gilles Grangier, réédité il n’y a pas si longtemps en Blu-ray chez le même éditeur (Pathé). Mais François Guérif a plus que probablement raison de se demander dans le bonus qui accompagne le film si Grangier ne se moque pas éperdument de l’intrigue policière, le dénouement proposé étant d’ailleurs, non pas confus, mais très ambigu. En réalité, c’est toute la question de l’identité qui se pose à travers cette histoire de faux témoignage située, comme par hasard, dans le milieu du théâtre. Simon est en tournée en train de jouer Lorenzaccio quand Lino s’évade et se lance à sa poursuite, et les intrigues du drame de Musset (qui, soit dit en passant, a donné lieu il n’y a pas si longtemps à une adaptation intitulée Prenez garde à son petit couteau) peu à peu se confondent dans son esprit avec l’imbroglio inextricable dans lequel il s’est fourré en s’attribuant le « rôle » de témoin justicier. Tout devient (ou se révèle ?) faux, à commencer par la liaison amorcée avec une de ses partenaires (Jeanne Moreau). S’aiment-ils vraiment, ou font-ils simplement semblant de s’aimer pour se rassurer l’un et l’autre sur leur pouvoir de séduction ? Et, au fond, sont-ils les seuls à faire semblant en ce bas monde ?

Trois jours à vivre est un film tourné avec pas grand-chose, mais qui, même si les dialogues sont signés Audiard, n’en est pas moins une parfaite illustration des deux vers de Shakespeare dans Comme il vous plaira : « All the world’s a stage / And all the men and women merely players ».
Frédéric Albert Lévy
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