
Par Claude Monnier : Entre la post-production du gigantesque Napoléon et la préproduction du tout aussi gigantesque Gladiator 2, Ridley Scott, 86 ans, a accepté une commande de la firme Samsung. C’est qu’il ne faudrait pas rester sans rien faire ! Behold, ça s’appelle. Qu’est-ce que Behold ? Il s’agit d’un court-métrage visant à démontrer les qualités photographiques du dernier téléphone de la firme coréenne. Pour cela, Scott a eu carte blanche, comme en 2019, pour la pub du cognac Hennessy (court-métrage de SF de dix minutes qui est tout bonnement ce qu’il a réalisé de plus beau depuis Legend). Il a donc imaginé un petit récit et l’a fait développer par son fils Luke Scott, au sein de sa célèbre agence RSA. Sans doute pour changer d’air entre deux reconstitutions du passé lointain (l’ère napoléonienne, l’Antiquité), Scott a situé son histoire aujourd’hui… dans une cité HLM des quartiers Nord de Marseille ! Sous le regard d’une jeune femme mélancolique, coincée dans son appartement exigu, un adolescent est poursuivi en contrebas par une bande de voyous. Il s’enfonce dans le dédale des sous-sols désaffectés et ténébreux de la cité, puis finit par tomber sur une sorte d’entrepôt délabré où gît un cheval qui semble blessé ; comme Lili dans Legend, le jeune homme chante une chanson au « destrier », qui se redresse peu à peu. On retrouve plus tard le jeune homme et la bête sur un haut plateau montagneux ; le cheval, qui symbolise à l’évidence l’âme humaine, se met à galoper vers le lointain…
Comme on peut le voir, c’est une histoire plutôt naïve mais charmante, qui montre bien ce qui fait la spécificité de Scott : voir de la magie en toutes choses. C’est l’héritage de la grande peinture, qui fait ressortir la Merveille du quotidien le plus prosaïque : un vase, une table, une fenêtre, un coin de jardin, un paysan, une laitière… Pour Scott, cette magie de toutes choses peut être magie noire, et c’est la beauté de l’Enfer (ici la fascination du cinéaste pour les espaces caverneux, enchevêtrés, de la cité), ou magie blanche, et c’est la beauté du Paradis (ici la scène finale, éthérée).
Le plus touchant, finalement, est que ce court-métrage naïf ressemble à l’œuvre d’un jeune étudiant en cinéma, qui testerait rapidement toutes ses idées, dans un environnement proche, par pur amour de la caméra et du mouvement. Mais s’il est insatiable en termes de tournage (c’est la phase qu’il préfère, avec celle du storyboard, qu’il dessine lui-même), Scott est également un très vieil homme qui a atteint, par la force des choses, une certaine sagesse. Il s’agit donc pour lui de passer le relais aux jeunes gens et c’est pourquoi il a accepté avec plaisir la proposition de Samsung : puisque, désormais, on peut obtenir une image de grosse production avec un téléphone portable, lancez-vous ! semble-t-il dire aux étudiants… Vous n’avez plus aucune excuse.
Claude Monnier
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