
Par FAL : Mark Pellington est ce que les Anglo-Saxons appellent un hyphenate. Littéralement, « un trait d’union ». Autrement dit, dans l’industrie cinématographique, quelqu’un qui collectionne les casquettes : il est tout à la fois réalisateur, acteur, monteur, producteur et scénariste. Mais, malgré cette quintuple polyvalence, son nom ne dit pas grand-chose aux cinéphiles français.

Aux États-Unis, il en va autrement, au moins à cause du film Arlington Road, qu’il a réalisé en 1999. Un thriller à l’intrigue totalement invraisemblable et absurde dans le détail, et dénoncée comme telle par la majorité des critiques, mais son sujet, vingt ans plus tard, est devenu étonnamment « actuel », du fait du 11 Septembre, et, plus encore, du fait de la multiplication des attentats perpétrés sur le sol américain par les white supremacists et de la tentative de coup d’État trumpiste du 6 janvier 2021. (On peut voir – ou revoir – ce film grâce à l’édition Blu-ray/DVD proposée ces jours-ci par L’Atelier d’Images.)

En regagnant son domicile, Michael Faraday (Jeff Bridges), professeur d’histoire à l’université, croise un gamin en sang. Ce vilain garnement, qu’il conduit illico presto à l’hôpital, explique qu’il s’est brûlé en jouant avec des fusées prises dans la réserve familiale de feux d’artifice et normalement destinées aux célébrations du 4 juillet. Faraday découvre que le garçon n’est autre que le fils de ses nouveaux voisins, lesquels le remercient chaleureusement et l’invitent peu après à leur pendaison de crémaillère. Très vite, les rapports se font de plus en plus amicaux.
Toutefois, le doute s’installe peu à peu chez Faraday. Les plans qu’il aperçoit sur le bureau de ce voisin, architecte de son métier (Tim Robbins), sont-ils bien ceux de constructions que celui-ci s’apprête à réaliser ? Ne seraient-ce pas plutôt ceux d’édifices officiels existants qu’il se prépare à détruire ? Et le petit garçon s’était-il vraiment brûlé avec des fusées de feux d’artifice ? N’étaient-ce pas plutôt des explosifs ?
Inutile de raconter la suite de l’histoire, vous la connaissez déjà. Vous connaissez déjà tout, dénouement compris, si vous avez vu Rosemary’s Baby. Efforts désespérés et vains du protagoniste pour convaincre amis et autorités que ses gentils voisins sont en fait de dangereux terroristes – on le prend pour un paranoïaque et on met sa paranoïa sur le compte de son récent veuvage. Réception chez les voisins où les invités sont tous des conspirateurs. Découverte de la véritable identité des voisins dont le nom est en fait un nom d’emprunt. Reprise de la mémorable et inquiétante scène de la cabine téléphonique de Rosemary’s Baby. Polanski pourrait sans doute poursuivre Pellington pour plagiat…

Mais là n’est pas la question. La question est de savoir si on a moralement le droit de réaliser un film sur le terrorisme, menace on ne peut plus réelle, en le construisant et en le mettant en scène exactement comme un film d’épouvante hollywoodien, autrement dit comme une pure fiction. Tout cela, a priori, n’est pas de très bon goût. Inversement, il n’est pas interdit de penser qu’Arlington Road est là pour nous dire que le Mal ne se trouve pas dans les démons ou monstres de romans ou de films sortis de l’imagination d’écrivains, de scénaristes et de réalisateurs – pas seulement en tout cas. Le Mal est d’autant plus terrifiant qu’il est là, déjà là, parmi nous, la plus grande ruse du Diable étant de nous faire croire, comme disait Baudelaire, qu’il n’existe pas.
Frédéric Albert Lévy
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