Comme un lundi

Par FAL : Succès oblige, Un jour sans fin a fait des petits. Sur le principe de la boucle temporelle, on ainsi pu voir Boss Level, avec Frank Grillo ; Edge of Tomorrow, avec Tom Cruise (qui avait réussi à se libérer entre deux épisodes de M:I) ; ou encore les deux volets du fantasticomique Happy Birthdead. Dernière variation sur le même thème (mise en abyme du genre si cinématographique des remakes ?), ne craignant d’ailleurs pas, dans les dialogues, de citer au moins deux de ces références : Comme un lundi (Mondays), film japonais réalisé par Ryo Takebayashi.

Ce n’est plus ici un jour sans fin, mais une semaine sans fin (tout recommence à zéro le lundi), et est victime de la boucle non plus un seul personnage, mais tout un groupe d’employés dans un open space qui n’est autre qu’un huis clos : car – dévotion japonaise au travail oblige – ces employés, dans leur majorité, dorment sur place, et la quasi-totalité de l’action se déroule donc entre les quatre murs de ce bureau. Ce n’est que lorsque l’un d’entre eux se hasarde à jeter un coup d’œil par la fenêtre que le spectateur peut apercevoir un peu la rue.

Oserons-nous dire que cette boucle temporelle est quelque peu répétitive alors que c’est son principe même ? Franchement, il y a un certain nombre de moments creux dans ce qui entend être une comédie, car la quadrature du cercle propre au sujet, c’est-à-dire la nécessité de faire avancer le schmilblic alors même que le temps fait régulièrement marche arrière, n’est jamais vraiment résolue. Pour le dire tout net, il n’y a dans cette affaire aucune astuce, aucune trouvaille de scénario ou de mise en scène qui puisse ravir les amateurs de science-fiction. Rien, par exemple, d’équivalent à l’éclair de génie du héros de Boss Level, qui trouvait finalement dans l’hélicoptère qui contribuait à sa mort quotidienne le moyen de s’évader de sa prison temporelle.

Un film de Ryo Takebayashi avec Makita Sports, Wan Marui.
Sortie le 8 mai.

Mais Comme un lundi est un film passionnant dès lors qu’on le regarde comme une métaphore – pour ne pas dire comme une photographie – de la société japonaise et, en définitive, de toute société en général, avec l’opposition, à laquelle aucun groupe n’échappe, entre intérêt personnel et intérêt commun. Car cette dévotion au travail que nous signalions porte en elle-même une contradiction. Chacun, c’est une affaire entendue, se dévoue pour la réussite de l’entreprise, au nom donc d’un intérêt collectif ; mais ce désir de bien faire cache – au demeurant assez maladroitement – le désir de mieux faire que les autres et l’espoir de monter en grade (quitte à se faire débaucher, si l’occasion s’en présente, par une entreprise concurrente). Cette dichotomie apparaît d’ailleurs dès le départ dans le fait que tous les employés ne prennent pas en même temps conscience de leur enfermement. Décalage d’autant plus grand que, par politesse ou par peur de n’être pas crus, ceux qui ont une vision claire de la situation n’osent pas en informer ceux qui ne voient pas. L’enfer, c’est donc un peu les autres, mais la morale de l’histoire sera bien sûr que, comme le soutenait déjà Cicéron en des temps très antiques, une société ne peut progresser dans le bon sens que si intérêt personnel et intérêt collectif ne font qu’un.

(Nous profitons de l’occasion pour rappeler l’existence de Gung-Ho, petit film excellent et méconnu et – ô surprise ! – américano-japonais de Ron Howard, tout à la gloire du team spirit.)

Frédéric Albert Lévy

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