La trilogie « Tiger Cage »

Par FAL : Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ? Certes, mais il faut quand même prévenir l’acheteur que la trilogie Tiger Cage annoncée sur la jaquette, entièrement centrée autour de Donnie Yen (le plus célèbre de tous les interprètes d’Ip Man), n’est pas tout à fait celle qu’il découvrira en regardant les deux Blu-rays qui composent le digipack. Donnie Yen meurt en effet à peu près au milieu du premier film et brille par son absence dans le troisième. Le vrai lien entre les trois volets est en réalité Yuen Woo-Ping, chorégraphe de cascades pour des films tels que Matrix ou Tigre et dragon, et également réalisateur à part entière. Mais réalisateur inégal, puisque figure dans sa filmographie aussi bien un très soporifique Tigre et dragon 2 (estampillé Netflix) qu’un excellent Master Z (un « Ip Man » sans Donnie Yen).

Cette disparité se retrouve à l’intérieur même de la trilogie Tiger Cage. Le chapitre le plus faible est de loin le troisième, dont l’intrigue tourne autour de la rivalité entre deux hommes d’affaires véreux, avec entre les deux une jeune femme arriviste et sans scrupules, qui finira par se rendre compte, mais trop tard, que l’argent n’est pas le seul idéal à atteindre dans une existence humaine. Le second chapitre, qui est un peu un remake non-avoué de Jeune et innocent d’Hitchcock, et dont le héros est vraiment Donnie Yen, est le plus amusant, si l’on accepte ce mélange des genres poussé à l’extrême propre au cinéma asiatique, les scènes comiques n’interdisant pas la présence de scènes de torture totalement réalistes (cependant que les scènes un tant soit peu sexuelles, même quand elles sont déterminantes, sont toujours à peine esquissées). La majeure partie de l’intrigue est une course poursuite dans laquelle héros et héroïne (Yen et Rosamund Kwan), accusés d’un crime qu’ils n’ont bien entendu pas commis et traqués tout à la fois par la police et les triades, passent leur temps à fuir liés l’un à l’autre par une paire de menottes.

Tiger Cage, la trilogie. Réalisateur ‏ : ‎ Yuen Woo-Ping. Couleur, Cinémascope. 4 heures et 44 minutes.
Avec : ‎ Jacky Cheung, Simon Yam, David Ng, Lo Lieh, Cynthia Khan, Donnie Yen, Rosamund Kwan… Metropolitan Film & Video.

Les points communs entre ces trois films sont au nombre de deux. Évidemment, on n’imaginerait pas un film d’action sans méchants, mais la corruption à tous les niveaux est présentée ici – et tout particulièrement dans le premier volet – comme une spécialité hongkonkaise. Bien malin qui pourrait dire s’il faut chercher une véritable idéologie dans ce nihilisme, mais, l’ensemble ayant été tourné avant la rétrocession de l’île à la Chine, la morale qui s’en dégage est que les Britanniques avaient été parfaitement incapables d’établir une administration efficace. Et c’est peut-être ce déséquilibre moral que traduisent graphiquement les cascades ahurissantes qui jalonnent chacun de ces trois films. Avec tout le respect qu’on leur doit, les exploits de Belmondo ou, aujourd’hui, de Tom Cruise ne sont que de la petite bière en comparaison des risques pris par les cascadeurs et par les acteurs dans ce triptyque : sans doute utilisait-on des câbles pour effectuer certaines figures, mais l’infographie n’en était qu’à ses débuts et l’on peut parier que certains coups ont dû entraîner de vraies blessures. Même les plus blasés des spectateurs ne manqueront pas de sursauter à certains moments. Quant à Donnie Yen – puisque c’est sur son nom que tout cela est vendu –, il n’a pas encore le calme olympien d’Ip Man et joue plutôt les chiens fous, mais il manifeste déjà une agilité et une maîtrise de son corps qui font de lui l’un des rares héritiers de Bruce Lee dignes de ce nom.

Frédéric Albert Lévy

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