Babylondres

Par FAL : Le  spectateur jugera par lui-même si la publicité a raison de lui « vendre » Babylon comme une version anglaise de La Haine. Ce film, réalisé à Londres il y a quarante ans par Franco Rosso, réalisateur italien dont la carrière est par la suite restée très discrète, s’apparente plutôt aujourd’hui à la version des Misérables réalisée en 2019 par Ladj Ly in Montfermeil City. Au moins par sa conclusion qui ne devrait pas déplaire aux spoilerophobes : Babylon est une tragédie qui, à l’inverse des tragédies classiques, ne se termine pas. Le pire est encore à venir, et le pire, en l’occurrence, ce furent en 1981 les émeutes de Brixton.

À vrai dire, nous avons plutôt affaire à une chronique qu’à une véritable histoire. Le fil (ténu) qui sert d’intrigue à Babylon est la préparation par un groupe de jeunes Noirs jamaïcains d’une compétition musicale qui requiert, outre des talents artistiques, un équipement technique que, ne possédant pas, ils « empruntent » parfois de façon peu orthodoxe, ce qui fait d’eux d’emblée des hors-la-loi. Mais cet élément est le premier de toute une série qui vise à démontrer que le racisme est un phénomène plus social que racial, se fondant bien sûr sur une base parfaitement arbitraire, mais qui s’offre peu à peu une « légitimité » terrifiante en se nourrissant d’amalgames et de malentendus interdisant tout « retour en arrière ». Ainsi, comme le fait pertinemment remarquer un internaute sur IMDb, les gros beaufs qui habitent au-dessus du garage où les reggae boys répètent sont incontestablement de gros beaufs, mais leurs protestations contre cette musique qui les réveille en pleine nuit sont objectivement justifiées. Ce qui l’est moins, ce sont les insultes raciales dont elles s’accompagnent. Inversement, ou plutôt de la même manière, si l’on peut comprendre, sinon admettre, que certains de ces jeunes Noirs sans le sou puissent décider de détrousser dans une allée sombre un bourgeois blanc mieux loti qu’eux, la manière dont ils « valident » et parachèvent leur forfait en massacrant à coups de pied et de poing ce Blanc sous prétexte qu’il est homosexuel prouve que l’absurdité est de tous les côtés.

Elle est tellement de tous les côtés qu’elle s’installe même à l’intérieur. Le malheureux jeune Blanc qui s’était intégré à la bande est le premier à faire les frais de toutes ces tensions – le plus excité des reggae boys lui reproche même de s’être approprié (même si ce « concept » n’était pas encore en usage en 1980…) leur manière de parler ! Mais des hostilités farouches ne tardent pas à naître aussi entre les Noirs eux-mêmes.

Assez paradoxalement, ces réactions en chaîne sont peut-être ce qui pourrait faire naître en nous une (vague) lueur d’espoir : le racisme n’est jamais aussi triomphant que lorsqu’il débouche sur une autodestruction. Mais un combat qui cesse faute de combattants n’a jamais été une victoire. Et même si solution il y a, que de temps perdu entre-temps ! Et que de vies irrémédiablement gâchées !

Frédéric Albert Levy

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