
FAL : Estelle Rolfe (Anne Bancroft, la Mrs Robinson du Lauréat) est une vieille dame indigne. Plus exactement, c’est une espèce de pasionaria qui défend des causes le plus souvent justes, mais qui le fait avec une telle agressivité et en brassant tellement d’air dans les rues de New York qu’elle se retrouve régulièrement au poste. Et, chaque fois, c’est son fils, Gilbert (interprété par Ron Silver, le méchant de TimeCop), qui vient payer au petit matin la caution pour qu’on la libère. Inutile de préciser qu’il y a longtemps que le mari, las de toutes ses outrances, s’en est allé.

Gilbert est tout le contraire de sa mère. C’est tout juste s’il ne dit pas merci quand quelqu’un lui marche sur les pieds. Dans les bureaux où il travaille, son supérieur hiérarchique ne cesse de l’exploiter et de l’humilier. La situation ne fait qu’empirer lorsqu’on découvre qu’Estelle a une tumeur au cerveau et qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Gilbert va la voir tous les jours dans sa chambre à l’hôpital, ce qui le fait arriver en retard à son travail et permet au petit chef sadique de lui infliger des humiliations supplémentaires.

Comme si tout cela ne suffisait pas, Madame Mère exprime le souhait de rencontrer avant de mourir son actrice préférée. Quelle actrice ? Greta Garbo, new-yorkaise comme elle, certes, mais qui, comme on sait, a décidé de vivre retirée du monde depuis des lustres.

Devoir filial oblige, Gilbert part quand même à la recherche de Garbo (c’est le titre français du film, qui sort le mois prochain en Blu-ray chez L’Atelier d’Images). Commence alors une espèce de road movie, ou plutôt, puisque nous restons dans la ville, de street movie un tantinet ennuyeux. D’ailleurs, nous dit Wikipedia, « the film received mixed reviews from critics and failed at the box office ».

Mais on a tort de s’ennuyer. À la recherche de Garbo est un film de Sidney Lumet, réalisateur stakhanoviste à la filmographie forcément inégale – il n’a pas toujours fait Verdict ou Douze Hommes en colère –, mais dont tous les films, même les plus commerciaux, cherchent à dire quelque chose (avec entre autres une prédilection pour le thème de la dignité reconquise). Il expliquait d’ailleurs qu’il tournait film sur film par honnêteté intellectuelle : il le faisait comme un pianiste fait tous les jours des gammes, pour ne pas perdre la main.

Alors, bien sûr, vous voudriez savoir si Gilbert va réussir ou non à trouver Garbo. Mais est-ce bien important ? Comme toute vraie quête, cette quête de Garbo (de Graalbo ?) en cache une autre – une quête de soi. En cherchant à satisfaire la dernière volonté, autrement dit la dernière lubie, de sa mère, Gilbert va paradoxalement s’émanciper. Il allait régulièrement la sortir des commissariats où elle était détenue, mais aujourd’hui c’est elle qui, presque par-delà la mort et par le truchement de Garbo (le titre original du film, qui reprend le slogan publicitaire d’Anna Christie, premier film parlant de la Divine, est Garbo Talks), lui montre le chemin de la liberté.

Œuvre mineure ? Peut-être. Mais avec tout le charme qu’on associe en musique au mode mineur. La présence de feue Carrie Fisher, dans le rôle de l’épouse – hélas plus condescendante que compréhensive – de Gilbert, ajoute aujourd’hui à la tonalité mélancolique de l’ensemble.
Frédéric Albert Lévy
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